BULLETINS JURIDIQUES

Engager la société avant qu’elle existe

Dans le monde des affaires actuelles, les transactions se font de manière très rapide; bien souvent, même des délais de quelques jours sont suffisants pour occasionner des pertes importantes. C’est pourquoi il existe, au Canada, la possibilité de ratifier des contrats au nom d’une société qui n’est pas encore incorporée, mais qui le sera sous peu.

Comme on le sait, la juridiction des sociétés par actions, appartient aux deux paliers, fédéral et provincial. Or, tous deux permettent la signature de contrats pré constitutifs. Au fédéral, c’est la Loi canadienne sur les sociétés par actions (L.C.S.A.) qui s’applique, alors qu’au Québec, il faut simplement se référer au Code civil du Québec.

La procédure applicable

Le contrat doit tout d’abord être signé entre un mandataire de la société à être constituée et une personne externe à celle-ci. Puis, une fois la société incorporée, celle-ci devra ratifier le contrat pour démontrer que, comme personne morale, elle accepte l’engagement pris par l’un de ses mandataires.

Ici, les régimes fédéral et provincial diffèrent. Au provincial, l’arrêt de la Cour d’appel du Québec Société sylvicole de l’Outaouais c. Rasmussen, 2005 QCCA 729 (Cliquez ici pour accéder au jugement) a édicté que la société est liée par le contrat dès qu’elle le ratifie. En vertu de la L.C.S.A., au moment de la ratification par la société, le contrat devient applicable non pas à cette date de ratification, mais bien rétroactivement à la date de signature initiale par le mandataire.

Les conséquences en cas de non-incorporation

Si, pour une raison quelconque, la société prévue devant ratifier l’acte n’est jamais incorporée, ses mandataires l’ayant signé deviendront personnellement responsables de la dette; d’où l’importance de bien vérifier ses dossiers avant de contracter ainsi. Par ailleurs, si la société est incorporée mais qu’elle refuse de ratifier l’acte, c’est, là aussi, les personnes l’ayant signé qui seront seules responsables. Enfin, le tribunal peut aussi décider, si les circonstances le justifient, qu’une personne est responsable personnellement même si la société a été incorporée et a ratifié l’acte. Cela se produira notamment dans les cas de tentative de fraude.

Qu’en est-il du cas où des mandataires signent un contrat que la société ratifie, mais qu’elle n’a pas les moyens financiers d’honorer? Les mandataires ayant signé peuvent-ils être tenus solidairement responsables avec la société de cette incapacité?

Le jugement 9118-3095 Québec inc. c. Girard Law, 2011 QCCQ 1799 a tranché la question en déclarant que dès l’incorporation, la société remplace les signataires et prend en charge toutes les obligations relatives au contrat qui leur incombaient alors; à moins, bien sûr, que ces mandataires aient accepté de cautionner personnellement la dette en cas de défaut de la société.

Si la société a respecté toutes les formalités prévues au contrat, on ne peut donc pas retenir la responsabilité personnelle des administrateurs en pareil cas, à moins de démontrer que ceux-ci ont usé de manœuvres frauduleuses.

Le concept de contrat pré constitutif peut devenir une fiction juridique complexe. Pour toute question à ce sujet, consultez un avocat!

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